Depuis la loi Hamon de 2014, les automobilistes choisissent librement leur réparateur. Une belle avancée sur le papier, mais dans la réalité, cette liberté a créé un marché déséquilibré où quelques acteurs se gavent pendant que la facture gonfle pour tout le monde.
Un véritable business aux frais des assurances
Derrière les cadeaux séduisants, un vrai business… financé par les assurances. Promesses de trottinettes, de consoles ou de billets Disneyland : certaines enseignes n’hésitent pas à tout offrir pour attirer les clients. Le pare-brise est remplacé, le client repart ravis, mais ces cadeaux « gratuits » ont un coût bien réel.
Les prix facturés explosent jusqu’à 80% au-dessus du marché. Pour une Citroën C4, le remplacement du pare-brise peut varier de 1 000e à 1 630e, selon le réparateur. Comme le rappelle France Assureurs, ces écarts proviennent souvent de tarifs horaires et de temps de main-d’oeuvre artificiellement gonflés.
Résultat ? Les assureurs paient d’abord, puis augmentent les cotisations. Et au final, c’est chaque automobiliste qui finance, sans le savoir, les cadeaux distribués à d’autres.
1,8 milliard d’euros de sinistres liés au bris de glace
Le bris de glace représente aujourd’hui plus d’un tiers des sinistres automobiles, soit près de 1,8 milliard d’euros en 2023 selon Sécurité et Réparation Automobile. Ce type de dommage, souvent perçu comme mineur, est devenu la première cause de réclamation en assurance auto, devant les collisions.
La Macif déclare à elle seule plus de 300 000 interventions, pour un coût total de 200 millions d’euros. Certains réparateurs ont compromis qu’ils pouvaient transformer chaque pare-brise fissuré en jackpot. Les cadeaux représentent parfois jusqu’à 20% de la facture finale.
La situation empire d’année en année. Les pare-brise modernes intègrent des caméras et des systèmes d’aide à la conduite qui nécessitent un calibrage obligatoire. Leur coût a entraîné une hausse moyenne de 14,4% en 2024, une couverture parfaite pour camoufler les surcoûts liés aux cadeaux.
Dégâts volontaires : quand la tentation prend le dessus
Les offres de cadeaux séduisent de plus en plus d’automobilistes, un assuré sur trois selon certaines estimations. C’est le cas de Justin, Rouennais trentenaire, qui convoitait depuis longtemps une Nintendo Switch. Lorsqu’un petit caillou a fissuré son pare-brise, lui et sa compagne ont eu une idée :
« Sur les réseaux sociaux, on voyait plusieurs témoignages de personnes qui disaient avoir réussi à changer leur pare-brise et en échange, avoir une Switch. » « Pourquoi pas nous ? », se demande alors le couple.
Pour s’assurer que le pare-brise soit remplacé, et non simplement réparé, Justin a décidé de passer à l’action. « Je me rappellerai toujours de cette scène, je sors le marteau et les vis, je mets la vis dans l’impact et je commence à taper. Je me suis dit que j’allais réveiller tout l’immeuble et au final, c’est passé. »
Résultat : pour 40 euros de franchise, il est reparti avec un pare-brise neuf… et sa console flambant neuve.
Encadrement nécessaire du marché de changement de pare-brise
Comment reprendre le contrôle d’un marché aussi dérégulé ? Pour Jean-Philippe Dogneton, Directeur Général de la Macif, la réponse passe par un renforcement du contrôle :
« Il faut mettre de la surveillance. Ce pourrait être une solution ultime. On pourrait très bien fixer un tarif moyen pour un pare-brise, et au-delà d’un certain montant, appliquer un plafond.«
Selon lui, cette dérive pèse déjà lourdement sur les finances du secteur. Une hausse de 5% des primes d’assurance auto est d’ailleurs prévue l’an prochain pour suivre l’inflation et compenser ces surcoûts.
« Le consommateur pense aux cadeaux immédiats, pas à la cotisation qu’il paiera ensuite. », prévient Dogneton, appelant à la fois au bon sens des assurés et à une action des parlementaires.
Une tentative de loi visant à encadrer des pratiques avait déjà été déposée en 2023, sans aboutir. « Le texte n’est pas passé, mais le sujet reste d’actualité. », insiste-t-il. En attendant un cadre législatif, la Macif a choisi d’agir elle-même, en rachetant Mondial Pare Brise pour 100 millions d’euros, une manière de reprendre la main sur un secteur en pleine dérive.











